Qui appliquera la loi punissant la maltraitance des aînés?

On doit reconnaître à la Coalition avenir Québec (CAQ) d’avoir franchi un chemin légal important pour que les mauvais traitements contre les aînés soient punis, réduisant de ce fait notre triste bilan de maltraitance envers les personnes âgées. Mais voici venue l’heure des bilans : il semble que même si la loi a des dents, personne ne sait exactement qui doit mordre.

Comme le révélait mardi un reportage de notre journaliste Stéphanie Vallet, la Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité possède depuis le printemps un dispositif additionnel qui permet d’imposer des amendes allant jusqu’à 250 000 $ non seulement aux auteurs d’un geste de maltraitance, mais aussi à ceux qui ne respecteraient pas leur obligation de le signaler. Sur papier, ce plan de match est sérieux et destiné à décourager les mauvaises pratiques. Mais dans les faits, un vice de procédure important rend la loi inopérante : le processus liant la plainte à l’infraction n’est pas clair, au point où ni les policiers, ni les familles, ni non plus les commissaires aux plaintes ne savent comment sanctionner les fautifs. La belle affaire !

La faille n’est sûrement pas irrécupérable, mais il faut avouer qu’elle ajoute un léger vernis de malaise sur une situation déjà honteuse, le Québec portant toujours la tache indélébile de l’hécatombe en CHSLD pendant le premier tempo de la pandémie. Cet épisode, jouxté à d’innombrables chapitres de négligence éhontée dans des résidences pour aînés, a fait du Québec une société où l’on se demande s’il fait bon vieillir.

Des aînés jugeant qu’on leur inflige un traitement inapproprié se retrouvent donc dans des situations aberrantes où ils ne savent pas à quel saint se vouer pour faire aboutir leur plainte, parfois depuis plus d’un an. Les services de police estiment que ce n’est pas de leur ressort. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales n’a jamais traité ce type d’infraction et comprend que des précisions doivent venir du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Les proches de résidents de CHSLD qui s’estiment victimes de maltraitance enragent de savoir qu’il y a une loi, mais « personne pour l’appliquer ».

Cette situation doit être corrigée rapidement et privilégier un processus d’enquête totalement indépendant, qui ne peut selon toute vraisemblance impliquer seulement le MSSS, car il est une partie prenante. Ça aussi, c’est une question de respect des aînés.

source : ledevoir.com , marie-andrée chouinard

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